''Vos enseignements m'auront été bénéfiques, mais je n'ai su combattre ma timidité au moment le plus critique. En voiture, je l'ai ramenée chez elle. Avant d'en sortir, elle a attendu. Paralysé par le trac, je n'ai pas bougé. Après cinq minutes d'attente, elle sort vexée, me disant qu'elle ne me connaissait pas avec si peu d'assurance, et me demande de l'oublier, et de revenir le jour où j'aurais des couilles.
Vous m'avez tout appris, mais je n'ai pas mis à profit ces enseignements. Ayez honte de moi, je suis un mauvais élève. Vous étiez mon dernier espoir, mon seul véritable ami et confident mais je suis définitivement un lâche, et je ne mérite ni votre attention, ni votre affection. Pardonnez-moi d'avoir faire perdre votre temps.
Alors la vie... ne me parlez pas de la vie, comme le disait un grand philosophe, qui avait finalement raison. À quoi bon vivre si on n'est pas capable de surmonter pareils défauts insignifiants ?
Je ne me relèverai pas d'un tel échec. Adieu.''
« J'ai retrouvé cette lettre sur son lit. Lui était couché dans sa baignoire remplie d'eau, un sèche-cheveux branché sur le secteur en main, sous l'eau. »
Nous sommes tous deux sous le choc, je préfère m'enfermer dans ma chambre terrestre pour le moment, couché sur le lit, pour me reposer, et tout repenser. J'annule ma participation à la joute finale, je ne suis pas d'attaque à me battre. Sarantu disait de Faclastu qu'il était un modèle, un exemple de réussite. Excellent élève, il est devenu populaire auprès de ses collègues de travail et des anuviens en l'espace d'un mois, apprécié de tous. Pas très fort au maniement de la lame, ni aux courses, mais il avait presque accompli tous ses objectifs sociaux. Hélas, le plus grand aura chuté face à l'amour.
J'ai du mal à croire à son échec, il paraissait plein d'assurance, extraverti... Son échec et son geste seraient capables de faire perdre tout espoir à n'importe quel apprenti.
Pendant la semaine, on enregistre une hausse des démissions d'apprentis, ayant perdu espoir après cet événement. Je reprends mon humeur habituelle rapidement, on se soutient mutuellement avec Marc ; puis je ne connaissais pas vraiment Faclastu, j'étais peu proche de lui, ce qui rend le deuil moins conséquent.
Quelques jours plus tard, le nouvel apprenti de Sarantu finit par arriver, notre mentor nous le présente lors d'un cours.
« Ardamu, Nasartu, je vous présente Darnu.
- Salut les mecs ! Il a la classe c't'endroit, faut à tout prix l'faire connaître au max de gens possible ! J'vais faire des flyers, t'vas voir comment ça va marcher après, pis chuis sur que...
Je ne savais pas que l'humanité pouvait produire un être avec un débit de paroles aussi rapide et avec un accent de banlieue si exagéré. M'enfin, après la disparition de Garatu, l'équipe n'avait plus de membre horripilant, l'équilibre paraît rétabli.
- ...pis un jour, ma mère aussi, elle m'a dit qu'ils étaient cool mes flyers, mais ça marche pas en société, t'rends compte. Personne veut m'approcher, j'ai même fait des flyers pour faire d'la pub pour moi, c'tait encore pire, j'ai même failli...
- Eintausendneunhundertdreiundneunzig.
- Non, pitié, Sarantu, t'sais qu'j'aime pas ça.
- Je recommence si tu te tais pas.
- OK, mec, cool.
Puis Sarantu se tourne vers nous, et fait sortir le petit nouveau de la salle ''pour des raisons vitales, tu comprends ce que je veux dire''.
- Oui, Darnu est hippopotomonstrosesquippedaliophobe, il a peur des mots trop longs.
- D'hein ? réponds-je intelligiblement
- Hippopotomonstrosesquippedaliophobe. Le genre de maladie qui peut le tuer rien qu'à l'idée de lui en parler.
- Et y'a rien de tel que les mots allemands pour lui donner un début d'attaque cardiaque, je présume ? ajoute Nasartu
- Vous aurez remarqué qu'il est très bavard, et en effet, le vocabulaire allemand est riche de ce genre d’atrocités grammaticales qui sont susceptibles de le calmer. Si vous voulez le tuer, vous lui traduisez ''loi sur le transfert des obligations de surveillance de l'étiquetage de la viande bovine'' dans la même langue.
- Rindfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgesetz ?
- Bon sang, comment tu fais pour savoir et prononcer ça, Nasartu ?
- Pour amuser la galerie, y'a rien de tel, chevalier. Mais y'a plus long, donaudampfschiffahrtselektrizitaetenhauptbetriebswerkbauunterbeamtengesellschaft par exemple.
- Et t'as rien d'autre à faire de tes journées que d'apprendre à prononcer des horreurs germaniques pareilles ?
- Tu sais Ardamu, y'a pas qu'en allemand qu'il y a des monstruosités pareilles. En anglais, une protéine a un nom tellement long qu'on l'a surnommée ''titin'', pour éviter d'avoir à prononcer son nom, long de 189 819 lettres. J'arrive pas encore à le prononcer celui-là, mais je m'y entraîne. Heureusement, j'ai trouvé un autre Mikava assez fou pour l'avoir retranscrit sur de petits parchemins, dont je me suis procuré un exemplaire, ce qui me permet de le réviser de temps en temps.
Sur ces mots, il matérialise une bande de papier anuvien longue de plusieurs mètres, où une suite de lettres en petits caractères est retranscrite, qui aurait sans doute tué deux mille fois Darnu avant qu'il ait fini de la lire. On se met d'accord pour ne pas lui montrer, puis le faisons revenir et commençons une session de témoignages rébarbative.
Sur Terre, la situation commence à pencher en ma faveur. L'application de ce que Sarantu m'a enseigné me rend plutôt populaire. Je corrige les professeurs de manière décalée en cours, ce qui fait rire beaucoup de monde. Je profite d'un jeu de fléchettes inoccupé en salle de détente pour montrer ma technique de jeu, ce qui impressionne beaucoup de monde. Il faut dire que je m'entraîne avec des boulettes de papier façonnées de manière aérodynamique sur un dessin de Wolfgang accroché dans ma chambre, ce qui est plutôt stimulant.
En fin de semaine, mangeant mon habituel sandwich en ville, je retrouve Blanche, s'asseyant sur le même banc que moi.
« Salut Igor !
- Euh... salut, Blanche.
- C'était marrant, ton intervention ce matin.
- Euh... quoi déjà ?
- Tu sais, quand t'as raconté une blague à Marc ce matin, et que le prof de français l'a entendue.
- Ah oui, mais elle était nulle.
- N'empêche, comment tu connais un mot si long ?
- Je t'expliquerai un jour.
- Je savais pas que t'étais un marrant.
- Je cache beaucoup de choses en moi.
- Hi Hi ! »
Soudain, Wolfgang Ulrich surgit, ébahi en nous voyant côte à côte. Par réflexe, Blanche me prend la main. Je reste tétanisé. La sienne est d'une douceur que je n'avais jamais soupçonné comme existante sur Terre. Elle me transporte dans un autre monde. Pas Anuva, mais quelque chose d'encore plus... beau. Rêvant, j'entends à peine WU hurler dans ma direction.
« HO ! CONNARD ! RÉPONDS QUAND J'TE CAUSE !
- Gueuh... Hein ?
- Qu'est-ce que tu fous avec ma meuf ?
- Je te rappelle que nous sommes séparés, Wolfgang.
- Ta gueule, salope !
Puis il lève le poing pour la frapper, mais je prends le coup à sa place, ayant souhaiter la protéger. Mon nez doit être cassé.
- Ah ! Le connard veut en prendre plein la gueule, et bah il va mourir aujourd'hui, et il saura même pas comment il est mort.
Puis il prend sa forme de Migono, par chance, il n'y a aucun témoin dans la rue.
- WU ! Mais où est-il passé ?
- Fuis Blanche, vite, fais-moi confiance !
Je prends à mon tour ma forme de Mikava. Dans un premier temps surprise de me voir disparaître à mon tour, elle finit par suivre mon conseil et fuit. Belto est surpris à son tour.
- Tiens tiens... Le connard n'est autre que ce putain de Mikava qui a voulu me faire la peau l'autre jour. Et bien, je te garantis que personne ne t'aidera aujourd'hui !
Sur ces mots se matérialise un puits sous mes pieds, me faisant tomber... à la surface d'Obero. Le Migono m'accompagne, mais arrive de manière moins violente.
- Ici, personne ne t'entendra hurler si tu meurs. Vos moyens de téléportation ne fonctionnent pas sur Obero, tu es coincé ici jusqu'à ta mort, dont je me donne la responsabilité ! »
Il dégaine alors deux lames de type ''gros sabre'' et bondit sur moi. Je parviens à parer ses deux lames à temps avant d'être tué.
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