samedi 27 août 2011

Chapitre 4

Cette nouvelle journée ressemble presque en tout point aux autres. Ennui, ambiance morose, indifférence. Par chance, pas de bizutage aujourd'hui, et je peux lire le livret m'ayant été confié la veille par Sarantu. Reprenant tout ce qui avait été dit, mais de manière plus ordonnée, j'apprends également de nouvelles choses, telles le mode de vie des apprentis, le contenu des enseignements, la nature des équipements et les fonctionnalités de l'armure. Il semblerait d'ailleurs que cette dernière puisse conférer un pouvoir décuplé aux mains et pieds, ce qui peut s'avérer utile en cas de perte de la lame. Je dois également revenir chaque jour sur Anuva, ne serait-ce que pour prendre des nouvelles, je peux y rester le temps que je souhaite.

Pendant ma lecture, Wolfgang passe près de moi, ses sbires le suivant tels de petits chiens, et sa petite amie, Blanche, sous son bras. Cette fille ne fait que confirmer un fait bien répandu : les femmes préfèrent les brutes. Blanche n'y fait donc pas exception, dommage, pour une beauté telle qu'elle. Un ange tombé du ciel, fragile, timide, resplendissant. Comme tous les gars du lycée, j'ai un jour voulu espérer sortir avec elle. Erreur fatale. À peine approché d'elle, lui proposant un verre en bafouillant, elle me répondit d'un soupir méprisant avant de s'éloigner. Ce fut le jour de la semaine où j'ai médité devant mon nœud coulant, que j'ai envie de servir chaque semaine, mais je parviens à me retenir.

Blanche est donc en couple avec l'homme me bizutant le plus. Je vois pourtant dans ses yeux qu'elle n'est pas à l'aise. Elle semble ne pas se plaire à ses côtés. Le groupe passe devant moi, stoppant soudainement toute conversation, laissant un silence glacial s'épanouir. Une fois assez loin, j'entends les rires fuser et vois les doigts se pointer vers moi. Encore des moqueries. Quand je ne suis pas bizuté, je suis montré du doigt.

Il se trouve par le plus grand des hasards que je reprends ma lecture au paragraphe me garantissant un gain d'assurance en société, et une répartie considérable.


Le soir, Sarantu revient comme promis dans ma chambre, de la même manière que la veille.

« Bonsoir Igor, as-tu pris ta décision ? »

En guise de réponse, je lui tends le formulaire d'inscription rempli et signé. Il faut dire que le petit épisode des moqueries aujourd'hui a joué un rôle important, le fait d'y trouver la réponse dans le livret aussi. Sarantu récupère le papier, un sourire se dessine sur son visage simplifié.

« Alors, bienvenue chez les Mikava ! »

M'invitant à le rejoindre sur Anuva, je franchis la porte et découvre que la capsule a cédé sa place à une petite chambre, à peine plus grande que la mienne, en nuances bleu-clair. Un bureau avec une sorte d'ordinateur avant-gardiste faisant passer les Mac d'Apple pour des locomotives à vapeur, une capsule cylindrique semblable à une cabine de douche, un tableau d'informations mis à jour avec les récentes promotions et l'emploi du temps, un lit, une horloge, un tapis, des toilettes et une machine à café. Étrangement, le café garde sa couleur brune et son goût tel qu'on le trouve sur Terre, sans subir les réglementations planétaires. Une fois le tour de l'endroit réalisé, le chevalier m'apporte des explications.

« Bienvenue dans ta chambre, elle porte le numéro 50042. Avant d'en sortir pour rejoindre la grande salle des apprentis, où je t'offrirai une visite guidée, tu dois choisir un pseudonyme parmi ceux affichés sur le tableau d'informations.

    • Ardamu.

    • À peine un regard et le choix est fait ? Un sentiment quelconque ? Un bon feeling ?

    • On peut dire ça, ouais.

    • Bien, voici ta toge. »

Sur ces mots, mon hôte tend le bras, et mon corps change du tout au tout. Je ne sens rien, et pourtant, ma vision se retrouve bientôt affublée du nom ''Sarantu'' dans le coin supérieur gauche, indiquant par une flèche le personnage étant face à moi. Ce dernier referme la porte menant à la Terre et matérialise sa toge aux reflets verts en lieu et place de son armure. Je baisse le regard, le chevalier sort de mon champ de vision et son nom également, j'observe ma nouvelle allure, une toge claire aux reflets bleus recouvre l'ensemble de mon corps, mais laisse les mouvements de mes bras et jambes amples. Un miroir se situe dans la chambre, j'y jette un œil et me vois, méconnaissable, les formes de mon visage étant simplifiées. J'ai également les cheveux coupés à ras, comme tout le monde ici. Heureusement, je garde ma chevelue dans le monde réel, du moins... d'après le livret. Une mention ''Vous êtes ici'' m'indiquant par une flèche apparaît là où était le nom ''Sarantu'' tout à l'heure. J'observe à nouveau mon mentor, son nom réapparaît.

« On a du mal à s'y faire au début, mais t'en fais pas, ça passe tout seul. Tiens, prends ça également. »

Sur ces mots, il insère un cylindre d'un bleu transparent, d'un demi-décimètre de long, dans un compartiment adapté d'un centimètre de diamètre étant apparu sur ma hanche gauche. Je ne sens rien, mais la mention ''Chambre installé'' s'affiche dans mon champ de vision pendant trois secondes avant de disparaître. Les explications du chevalier continuent.

« Tu viens de recevoir ton premier programme. Ne t'en fais pas pour la faute de grammaire apparente, simplement, ''installé'' s'accorde à un ''programme'' et ne détecte pas si son nom est masculin ou féminin. De petits cylindres de ce type peuvent contenir des codes te permettant d'appliquer des fonctions ou de matérialiser toutes sortes d'objets rien qu'en y pensant. Avec celui-ci, concentre-toi simplement sur la pensée ''Retour à la chambre'' pour te retrouver téléporté ici, sans avoir à rechercher le lieu parmi les environ cinquante mille pièces du même type se trouvant au niveau bleu. »

Ceci est également expliqué dans le livret. J'ai appris beaucoup de choses à sa lecture, mais des questions restent en suspens. Sortant de ma chambre, nous arrivons sur un réseau de chemins aériens reliant entre elles les cinquante mille chambres environ. Je profite de la visite des lieux offerte par Sarantu pour m'éclairer un peu.

« Si je comprends bien, je suis donc maintenant votre apprenti, comment dois-je vous appeler ?

    • Par mon pseudo ou mon grade, c'est au choix.

    • Ça fait beaucoup de chambres, je peux rentrer dans celles des autres pour leur faire des blagues ?

    • Pas de chance, il doit te donner le code de sa chambre pour t'en autoriser l'accès. Pour cela, il peut générer un cylindre par son flanc droit. »

Sur ces mots, le chevalier m'indique une ouverture identique à celle de mon flanc gauche, mais sur ma hanche droite.

« C'est en quelque sorte un port de sortie, alors ?

    • On peut dire ça, oui. Pour créer un cylindre contenant le code de ta chambre ou autre chose, pense ''Générer Programme Chambre''. Comme pour le reste, tu ne sentiras rien et tu verras le cylindre sortir à moitié, tu n'auras plus qu'à l'extraire manuellement.

    • Et je peux en sortir d'autres comme ça ?

    • Tout ce que tu auras installé pourra être généré en cylindre. Il faut penser ''Générer Programme'' suivi du nom du programme en question pour ce faire. Ça ne marche pas pour les autres chambres, intimité oblige. Quelqu'un t'ayant donné le code de sa chambre ne sera pas forcément ravi que tu le donnes à d'autres. Certains cylindres d'autres couleurs associées aux grades circulent également, ils sont réservés à ceux portant ce grade, ou un autre supérieur. C'est écrit dans le livret, mais l'as-tu lu ?

    • Pas tout, j'avais pas trop de temps. »


La conversation continue de manière légère, porte sur la pluie et le mauvais temps. Nous descendons le chemin, qui est finalement relié au sol. Mon mentor me parle d'aspects abordés dans le livret, que j'aurais oublié, ou pas lus tout simplement. Nous sortons, et il me guide dans un des petits bâtiments annexes se trouvant sur Anuva.

« L'académie est réservée aux chambres et aux salles de Conseil. Chaque chevalier se voit attribuer une petite bâtisse à l'extérieur pour dispenser les cours à ses élèves. Le pouvoir est plus ou moins décentralisé. Parmi ces annexes, on trouve aussi des salles d'entraînements à la manipulation des armes et des boutiques de cylindres, où certains Mikava vendent des équipements usuels, où des créations fantaisistes de leur cru. Chacun peut créer tout et n'importe quoi à partir d'un code de programmation laissé par le fondateur, du presse-papier à la voiture de sport. Tout est crée sur l'ordinateur de la chambre.

    • Ce fondateur n'a-t-il pas de nom ?

    • Maradu, mais on préfère l'appeler ''Créateur'' ou ''Fondateur'' par respect. »

Sur ces mots, nous entrons dans la salle d'enseignement de mon mentor. Épurée, on peut toutefois y distinguer un écran d'une trentaine de pouces, pouvant permettre des résolutions d'écran d'une définition à en faire pâlir d'envie tous les fabricants de téléviseurs, faisant passer le 16/9 pour une antiquité, au même titre que ces vieux tubes cathodiques qu'on trouve encore chez les nostalgiques, ou les plus pauvres, comme moi.

Assis au sol, deux autres apprentis. Garatu et Faclastu, d'après ce qui me vient à l'écran. Sarantu fait les présentations.

« Nous préférons nous asseoir au sol, limitant les contraintes et permettant la décontraction et l'apaisement de l'esprit. Mes deux autres élèves s'accordent avec ce mode de pensée. Garatu ici présent est un de mes apprentis depuis deux semaines, il est atteint d'une grave maladie qu'aucun médecin n'a voulu traiter sur Terre. En effet, il ne pouvait s'empêcher d'interrompre des interlocuteurs pour faire des blagues lourdes à chaque mot.

    • teur de camion ! HA HA HA !

    • Prometteur, car il attend maintenant que les autres aient fini de parler pour dire son mot. L'objectif est de parvenir à zéro blague lourde, et éventuellement à quelques blagues occasionnelles mais bien placées.

    • bo ! HA HA HA !

    • Bon, il arrive parfois qu'on en ait marre aussi. »

Sur ces mots, Sarantu insère un cylindre dans Garatu.

« C'est une sorte de sédatif, qui le calme pour une heure ou deux, le rendant attentif aux cours et... normal. Bref, mon deuxième élève, Faclastu, est ici depuis deux mois et est en fin de formation. Grand timide, il a cependant gagné en répartie et s'est imposé en société et a désormais plein d'amis au bureau. L'objectif final est qui forme un couple, pendant plus d'une semaine. »

Nous échangeons les politesses, telles ''Enchanté'', ''Comme vous êtes grand !'' et j'en passe, puis je m'assieds, prêt à assister à mon premier cours.

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