dimanche 5 février 2012

Chapitre 21


Perebro a raison : ses deux chiens ne sont absolument pas bâtis pour le combat. Les situant à peu près au niveau ''normal'' des entraînements, nous n'avons aucun mal à en finir rapidement avec eux. Si je parviens à transpercer le premier de part en part au niveau du torse, Nasartu juge bon de frimer un peu, et s'en donne à cœur joie en maniant sa lame par gestes lents du corps, mais avec moulinets rapides de l'arme, tranchant net les membres du second un par un.
Ces deux victoires faciles ayant laissé le leader de marbre, nous profitons de l'effet de surprise pour porter les premiers coups. Il pare difficilement, mais parvient à reprendre le dessus sur-le-champ. Ses coups sont agiles et rapides. Il peut bloquer nos deux lames et porter un autre coup dans la foulée en moins d'une demi-seconde. Belto favorisait les coups lents mais brutaux, son homologue excelle dans la furtivité. La stratégie s'avère plus efficace, par plusieurs fois, nos armures sont entaillées. Toutefois, nous parvenons finalement à l'acculer dans un coin.
« À deux contre un, c'est plus facile ! Vous êtes des Mikava, mais vous vous battez comme des traîtres ! hurle notre opposant
    • Nous n'avons pas l'intention de te tuer, simplement de te traîner en Justice pour tes faits ! répond Nasartu
    • Bien tenté, le coup du cliché, mais c'est manqué, car anonymes il faut nous préserver ! s'essoufle Perebro
    • cette pseudo-poésie est absolument lamentable ! s'interloque mon ami »

Nasartu, distrait, marque un temps d'attente pour réfléchir avant de répondre, cette distraction lui est fatale. Le Migono puise dans ses dernières forces pour bondir et tenter une attaque en hauteur, que je pare avec ma lame ; mais c'est une feinte, et il dégaine une seconde lame et profite de la réflexion de mon ami pour lui donner un sévère coup de lame dans le dos. L'armure est transpercée, la peau également, … et pire encore.
Un cri de douleur, atroce, émane de Nasartu. Il se met à genoux, et ne parvient pas à se relever. Les tympans percés par ce cri, Perebro est sonné, et c'est à moi de profiter de cette faiblesse pour trancher ses deux mains d'un coup bref. Désarmé de ses lames, instinctivement, il ouvre une porte vers Obero et s'enfuit, en la refermant.
Je m'agenouille aux côtés de Nasartu.
« Igor ! J'ai mal ! Horriblement mal !
    • Calme-toi, Marc. On va sur Anuva, et les chirurgiens arrangeront cela.
Oui, les urgences terrestres admettraient un blessé de cette ampleur, mais pour expliquer les circonstances de la blessure, il faudrait trouver quelque chose de mieux que ''Je faisais la cuisine avec un joli couteau, et il m'a glissé des mains.''. Conscients de la haute probabilité que les Mikava puissent souffrir de blessures démesurées suite à un combat contre un Migono sur Terre, les Conseils se sont accordés à ouvrir un service de chirurgie spécialisée sur Anuva pour résoudre ce genre de cas.
    • Je... Je ne peux plus bouger !
    • Allons, tu ne va pas baisser les bras pour si peu !
    • Je plaisante pas, je sens plus mes jambes ! Aide-moi, pitié ! Je ne peux plus marcher ! »
Pas le temps de réfléchir à ce qui est arrivé, je fais confiance à Nasartu, le soulève péniblement, et le transporte sur mon dos vers le service chirurgie d'Anuva.

Les heures passent. J'attends les nouvelles en espérant que rien de grave ne soit arrivé.
Je me trompe. Nasartu arrive devant moi... sur un fauteuil roulant. Son design reste accordé au reste d'Anuva, ce qui rend l'objet agréable à voir, mais cela reste un fauteuil roulant.
« Ardamu, j'ai une grand nouvelle à t'annoncer : ma colonne vertébrale a été sectionnée, je suis paraplégique !
Je marque un temps.
    • Alors, ça fait quoi de se dire que plus personne ne te considérera plus jamais comme quelqu'un de ''normal'' ?
    • Ça fout un bourdon, tu peux pas savoir. Puis comment je vais annoncer ça sur Terre ?
    • Officiellement, tu as glissé sur une peau de banane dans la rue piétonne, et tu es mal tombé.
Cette version nous est donnée par Sarantu, qui nous a rejoint, avec quelques papiers.
    • Seul Ardamu était avec toi au moment ou tu es tombé contre un objet particulièrement tranchant qui traînait au sol.
    • Et les gens vont croire que j'ai perdu mes jambes après un gag qui a mal tourné ?
    • Je sais, c'est difficile à faire croire. Mais cette version à l'avantage de donner une explication à tout le monde, famille comme amis. Puis ton fauteuil peut revêtir une apparence normale sur Terre ; vu que tu n'as passé que cet après-midi aux urgences, tu rentreras chez toi avec lui, tu diras à tes parents que tu n'as pas pu les appeler et tu t'en excuseras.
    • ''Salut papa, salut maman ! Vous en faites pas pour moi, je suis juste mal tombé et j'ai perdu l'usage de mes jambes. C'est rien, on a pu me donner un fauteuil tout de suite ! Sinon, je vais bien. Et vous, votre journée était comment ?''
    • Je sais que tu peux faire moins cynique que ça. »

Parmi les papiers que détient Sarantu se trouvent de fausses prises de rendez-vous chez le médecin. Derrière ces documents anodins se trouvent en réalité des inscriptions à des entraînements particuliers dispensés par les chevaliers paraplégiques d'Anuva. Nasartu n'est en effet pas le seul a avoir perdu ses jambes au sein des Mikava, et les gradés handicapés de la sorte ont développé un nouveau style de combat adapté à leur condition, perfectionné pour se défendre. Sarantu nous montre quelques vidéos de ces sessions, et la méthode de combat est en effet impressionnante. Un des maîtres est également paraplégique, et il peut vaincre une horde de Migono à un niveau ''expert'' d'entraînement avec l'aide de deux lames attachées par les poignées, qu'il fait tournoyer autour de lui pour parer les coups à une vitesse impressionnante. Le fait d'être assis fatigue moins, et l'endurance s'en trouve améliorée. Sarantu commente, ne faisant qu'élever mon ébahissement.
« Parole de chevalier, ce jour-là, il a tenu six heures de combat sans baisse de régime ni de difficulté !
    • Ça donne envie de perdre ses jambes.
    • Pardon, c'est vrai que c'est con comme réflexion. »

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