dimanche 21 août 2011

Chapitre 3

Le voyage de la capsule continue, le reste de la planète est survolé. Je contemple alors les mers sombres dont parlait Sarantu tout à l'heure. Je ne parviens toujours pas à me faire à l'idée qu'un endroit à l'aspect si psychédélique puisse exister. D'autres apprentis et chevaliers circulent à sa surface, tous portant une toge unie, reflétant leur grade par la couleur. De petits édifices cubiques et bleutés, mais de manière plus claire que l'académie, sont également implantés tout autour de la planète. Le chevalier continue ses explications.

« La toge est la tenue réglementaire ici. On ne peut revêtir son apparence humaine. À l'inverse, on ne peut porter la toge sur Terre. L'armure est le costume intermédiaire, contrairement à la toge, on peut le personnaliser ; et il peut être porté aux deux endroits. On se ressemble tous, sans distinction autre que le pseudonyme. On parvient à se reconnaître par la visière intégrée à notre ''cagoule'', affichant divers renseignements, dont ce pseudo, l'heure, la météo, l'horoscope, … Après, c'est à nous de choisir ce qu'on veut afficher.

    • Pourquoi porter une armure ? Votre organisation me paraît pacifique.

    • Elle permet plus de souplesse, est plus pratique pour manier les équipements dont on trouve les codes dans ces petits bâtiments en bleu. Nous pouvons matérialiser des objets par la pensée, armes, véhicules, … Certains sont réservés à des grades plus élevés également.

    • Allez-vous enfin me dire ce qui se trame derrière cet aspect militaire ?

    • Et bien … Je n'aime pas trop aborder ce sujet, mais si je ne le fais pas, je serai sanctionné par les maîtres. M'enfin bref. Cinq ans après notre création, un apprenti récalcitrant s'est trouvé dans nos rangs. Notre société de grades n'était pas encore établie et le fondateur formait encore de nouvelles recrues, dont cet apprenti au pseudo initial que j'ai oublié. Il était très ambitieux à l'idée de pouvoir s'intégrer au monde réel par les Mikava. Cependant, il échoua à quasiment toutes les épreuves, et gardait sa situation désespérée sur Terre, la faute à pas de chance. Devenu fou par le manque de réussite, l'échec permanent, il a codé un jet-pack, volé des copies de plans d'Anuva, puis fui la planète. Quelques mois plus tard, ce gros rocher était matérialisé. »

Le chevalier pointe alors du doigt une petite planète noire, à une trentaine de kilomètres d'ici. Dix fois plus petite qu'Anuva, une aura orangée l'entoure, peut-être pour l'éclairer. L'explication continue.

« Voici le satellite sombre Obero. Des renseignements dont on dispose, l'apprenti s'est rebaptisé Feltro et s'est auto-proclamé roi de ce monde, sans parvenir à recopier tous les points d'Anuva, ce qui en fait un satellite en orbite autour de notre planète. Toutefois, le camouflage y est également activé, et on ne peut voir ni Anuva, ni ce caillou depuis la Terre, faute de l'utilisation des mêmes procédés. Il n'y a pas de structure à sa surface, on suppose qu'il s'est réfugié sous terre. Feltro y a fondé les Migono, un peuple similaire aux Mikava, mais aux objectifs opposés. La folie de l'apprenti l'a fait raisonner de manière prétentieuse : si lui ne parvient pas à être heureux, personne ne doit l'être. Ainsi, Feltro souhaite disperser la mauvaise pensée, la gangrène dépressive à travers le monde et espérer ainsi répandre le malheur extrême sur le monde. De ce qu'on suppose, les Migono sont actuellement sept mille et n'ont pas de société de grades, c'est une autocratie. Mais il y a malgré tout un code couleur. Ils ressemblent tous aux Mikava, mais sont de couleur orangée.

    • Voilà qui n'est pas rassurant.

    • Leurs moyens sont également plus extrémistes. En plus de déceler les dépressifs pouvant joindre nos rangs et les recruter dans les leurs avant nous, ils peuvent corrompre un apprenti Mikava en formation et tuer les autres grades aptes à transmettre la bonne parole.

    • Mais, comment peut-on vouloir rejoindre une association de dépressifs cherchant à répandre le malheur ?

    • On ne connaît pas vraiment leurs méthodes de recrutement. On pense que l'hypnose y est pour quelque chose, ou un truc comme ça.

    • S'ils tuent les Mikava, pourquoi ne pas attaquer directement Anuva ?

    • Ils n'ont jamais mené d'attaque de grande ampleur ici, mais la proximité nous fait penser qu'elle surviendra un jour. Nous avons donc développé armures et équipements en conséquence pour nous protéger. Aujourd'hui, chaque Mikava dispose d'une lame spéciale pour se défendre face à un Migono. Nos armures sont plus dures que le diamant, mais les lames permettent malgré tout de les transpercer.

    • Mais alors, où ont lieu les combats ?

    • Directement sur Terre. Les humains n'appartenant à aucune des deux organisations ne peuvent voir des objets Mikava ou Migono en action, ce qui évite les fuites dans les médias, notre existence est un secret maintenu à grande échelle. »

Sur ces mots, la capsule rejoint son point de départ. Sarantu sort alors une brochure de son armure.

« Nous avons établi cette société de grades et ces restrictions en ayant vu ce que pouvait provoquer un trop-plein de confiance envers les apprentis, il est préférable de garder du recul. Maintenant, si tu souhaites nous suivre, je t'invite à lire ce livret, recensant tout ce que je t'ai dit et comprenant notre règlement et le formulaire d'inscription. Je repasserai demain à la même heure et tu me diras si oui ou non, tu souhaites rejoindre les Mikava. »

La porte de la capsule s'ouvre, donnant sur ma chambre. Sarantu m'adresse un salut amical, puis referme les portes, qui disparaissent selon un procédé inverse à leur apparition. Je regarde l'heure, je me suis absenté une demi-heure. J'observe brièvement la documentation qui m'a été laissée, un joli petit livre à couverture métallique grise avec l'inscription ''MIKAVA'' gravée sur l'avant, un logo bizarre à l'arrière est gravé également, représentant l'académie et son reflet dans une mare, le tout surplombé par le Soleil. En feuilletant rapidement, je me rends compte que la centaine de pages au format A5 est fabriquée dans une sorte d'aluminium très solide, malgré une épaisseur de page inférieure à celle d'une feuille de papier basique. Du texte, des illustrations schématiques ou peintes, voilà un objet plutôt coûteux en fabrication apparemment, que trois mois de salaire paternel auraient peut-être pu payer.

L'ouvrage est caché dans mon chevet, je me recouche, mais je me vois incapable de dormir après ce qui vient d'arriver.


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