samedi 19 novembre 2011

Chapitre 16


L'ambiance d'Obero est radicalement différente de celle d'Anuva. Le terrain semble fait de cendres, de montagnes ardues de quelques mètres de hauteur. Un léger vent angoissant produisant un bruit de sifflement bourdonne dans mes oreilles.
Je n'ai guère le temps de m'attarder sur les détails, mon adversaire m'assénant un nombre de coups plutôt considérable. Leur force me fait chuter par plusieurs fois. J'effectue plusieurs roulades sur le côté pour éviter ses armes. J'ai l'impression d'être un steak mouvant, souhaitant échapper désespérément aux haches du boucher. Comparaison foireuse, mais je ne peux trouver mieux.
Une idée me vient. Je matérialise mon motocycle, puis je profite d'un relief en vague pour faire une cascade grotesque avec celui-ci, et espérer prendre mon adversaire par surprise avec ma lame. Ce n'est guère convaincant, mais je parviens à lui porter un coup à l'épaule. Belto enfourche alors un motocycle de type ''chopper'' et me fonce dessus. Forcé à ranger une de ses lames pour contrôler son véhicule, je respire quelque peu, mais quand je constate qu'il a équipé celui-ci de fusils-blaster commençant à me tirer dessus, je reprends un rythme de respiration accéléré. J'effectue une manœuvre de saut pour éviter la rafale de tirs qu'il m'envoie et espérer lui redonner un coup aérien. Malheureusement, c'est lui qui parvient à frapper. Son coup découpe la paire d'ailerons équipés sur le côté droit de mon engin. Pas grave, si je m'en sors entier, je pourrai réparer ça. En attendant, je préfère désactiver ceux présents sur le côté gauche pour éviter un problème certain d'équilibre.
Belto se rapproche dangereusement de moi et parvient à érafler une des ailes décoratives de mon casque avec sa lame. Mais dans cette manœuvre, il perd l'un des pots d'échappement orientés vers le ciel dont son motocycle était équipé ; il est en effet passé trop près de l'unique aileron qu'il me restait.
Le combat continue à la manière des joutes du moyen âge. Il fonce sur moi, je fonce sur lui, nos lames s'entrechoquent, mais son coup étant plus fort que le mien, ma lame s'envole en l'air, et mon adversaire la récupère, s'arrête un instant, puis l'écrase entre ses poings pour la rendre inutilisable, la jette en arrière, avant de charger à nouveau. Je pare désormais ses coups avec mon bouclier, non sans difficulté, mais celui-ci parvient à les encaisser malgré la charge.
Finalement, l'un de ses tirs parvient à briser l'une des roues de mon motocycle. Inutilisable à son tour, je suis contraint de le quitter. Je suis désormais seul avec mon bouclier, face à un monstre de sauvagerie avec un sabre enfourchant un chopper armé de fusils-blaster, et Sarantu ne peut me venir en aide.

« STOP !
Mon don d'improvisation m'aura encore fait hurler au mauvais moment, mais cela s'avère efficace. Belto s'arrête en dérapant, à quelques centimètres de moi.
    • Quoi ?
    • Tu admets que la situation va a ton avantage ?
    • Faudrait être aveugle pour pas le voir.
    • Ce n'est pas dans ce genre de cas que le Migono que tu es doit tenter de me pervertir pour rejoindre sa cause ?
    • J'ai un compte personnel à régler avec toi. Les Migono attendront. Je veux de toutes façons pas m'associer à toi.
    • Ah, voilà autre chose.
    • Bon, dans notre règlement, je dois quand même te donner ça, mais c'est uniquement pour faire plaisir à Feltro.
Puis il me tend une documentation, un livret ressemblant atrocement à celui des Mikava, mais avec un ''MIGONO'' gravé à l'avant, et un schéma de l'entrée d'une grotte gravé à l'arrière.
    • Et maintenant, meurs !
    • Attends un peu, je n'ai même pas le temps de lire ? Je ne pourrai pas le faire après...
    • Juste. Je te donne dix minutes.
    • Pour lire une centaine de pages ?
    • Bon, une heure. Après ça, je te tue.
    • Et si je veux vous rejoindre ?
    • TA GUEULE ET LIS ! »
Son hurlement provoque une bourrasque de vent.
Bref, son geste me donne droit à une heure de répit. Je me planque derrière un relief, prétextant que sa présence me perturbe. Peut-être fort au combat, mais pas très malin... Bon, je ne peux de toutes façons pas m'échapper d'Obero, il me retrouvera quoiqu'il arrive. Je laisse le livret de côté et commence à rassembler les divers accessoires que je me suis procuré ces derniers jours. Un parapluie, une statuette de Superman, un flyer de Darnu promouvant les bienfaits du thé Twinings, un stylo, une canne à pêche et un couteau suisse.

Je reviens vers Belto dix minutes plus tard. À cinq mètres de lui, il commence alors à s'impatienter.
« T'as fini de lire ? Hop, meurs ! »
Il dégaine ses deux lames et fonce sur moi à l'aide d'un jet-pack pour en finir au plus vite. Je jette alors ma statuette de Superman en direction de son crâne. L'effet escompté est produit, le Migono est assommé. Son jet-pack allumé l'envoie contre un relief, puis le compresse. Quasiment immobile, je profite de l'occasion pour lui arracher l'engin à l'aide du couteau suisse. Il s'effondre alors, sa tête offre un triste spectacle, le choc l'a complètement ratatinée. Belto doit être mort.
J'enfile l'engin, et tente de me diriger vers Anuva. Le contrôle de ce truc n'est guère facile, et après de multiples pirouettes involontaires, je parviens à cibler ma destination, puis à m'écraser lamentablement sur Anuva après un trop long voyage. Sarantu n'est pas là, mais je ne suis pas loin de la salle de cours. Je lui laisse un mot doux sur le flyer, disant de confier le livret Migono aux Mikava qui sauront l'analyser, et que je lui raconterais tout ce qui s'est passé ce soir, puis je repars vers la Terre pour finir ma journée de cours.

Par chance, je ne suis pas en retard. Blanche me voit et me bondit dessus.
« Igor ! Par pitié, explique-moi ce qui s'est passé !
    • Euh... c'est un peu long à expliquer.
    • S'il te plaît, mes nerfs vont lâcher ! J'ai subi trop d'émotions ces derniers jours, tu le sais !
    • Je ne peux pas t'en dire plus pour le moment, désolé. Sache simplement qu'il se peut que Wolfgang soit mort accidentellement.
    • Et son sbire, il y a quelques jours ? C'était aussi ''accidentel'', où tu y as aussi contribué ?
    • Je ne les ai pas tués ! Crois-moi ou pas, mais ils sont tous deux morts accidentellement, et tu es maintenant en sécurité ! Tu n'as plus rien à craindre ! »
Ma voix a pris une assurance que je n'aurais jamais soupçonnée. Blanche se tait, et ne m'approche plus de la journée.

Le soir, je retourne sur Anuva, dans la salle de cours de Sarantu.
« Merci pour ton petit cadeau, grâce à un tel ouvrage, nos recherches pourront progresser de manière drastique. Maintenant, raconte-moi tout ce qui s'est passé.
Je m'exécute.
    • Quelle histoire ! Le fait que tu en sois sorti vivant est presque un miracle. Au fait, il n'a pas tenté de te pervertir ?
    • Comme je l'ai dit, il ne voulait même pas m'avoir comme allié. Mais maintenant, vu qu'il est peut-être mort, comment raconter ça sur Terre ?
    • Chaque jour, des dizaines de personnes disparaissent dans le monde. Une de plus, une de moins...
    • Et pour Blanche ? Elle est encore sous le choc. J'ai bien fait de lui dire qu'il était mort ?
    • Tu n'avais pas trop le choix. Tu n'as pas violé la clause de confidentialité non plus. Fais en sorte que cette histoire s'oublie.
    • Pas facile. On commençait déjà à placarder des affiches avec sa mouille dessus à tous les coins de rue. Ça va jaser un moment au lycée avant qu'on l'oublie. Je ne peux vraiment rien dire à Blanche ?
    • Au sein même des chevaliers et maîtres, la clause de confidentialité est un sujet à débats. Elle bougera un jour, mais je ne sais pas lequel.
    • Et... que se passe-t-il si je la viole malgré tout ?
    • Je ferai de mon mieux pour te couvrir. Mais sache que tu risques d'être radié de l'ordre.
    • Mais comment faites-vous pour détecter ces viols ?
    • On ne connaît pas les méthodes des maîtres, mais elles marchent. Nasartu est passé devant eux pour avoir violé la clause auprès de toi, mais a réussi à se défendre et à ne pas être sanctionné. Cela a ranimé le débat à ce sujet. Et il y a aussi un risque pour toi, vu que tu as subitement ''disparu'' de la vue de Blanche.
    • Et elle ? On ne peut pas la recruter ? Elle est aussi timide que moi, et je la vois rarement avec des amies.
    • Ne te base pas sur les préjugés. Si ça se trouve, elle sort le week-end, va aux fêtes... Elle a beaucoup de potentiel pour être invitée. Elle tape dans l’œil de tout le monde et a beaucoup d'influence. Le fait qu'elle t'approche est inimaginable.
    • Quoi, vous pensez que elle et moi...
    • Si tu parviens à la séduire, ça peut faire un excellent argument pour passer chevalier et donner un exemple de réussite aux générations d'apprentis futures. Sur Terre, le fait qu'elle te choisisse toi et pas un autre peut avoir de grandes conséquences, et les gens peuvent repenser leurs jugements à ton propos, et ton intégration n'en sera que facilitée.
    • Je suis l'une des choses les plus laides que Mère Nature ait jamais crée, ça fait déjà un argument pour que je reste célibataire toute ma vie. De plus, j'ai annoncé aujourd'hui que les gens me bizutant mourraient accidentellement pas loin de moi. Va falloir plus qu'un miracle pour qu'elle veuille à nouveau m'approcher.
    • Tu dois faire oublier ta laideur, et lui montrer que tu peux être protecteur. Tu as dégommé un Migono, c'est pas rien quand même !
    • Oui, mais je peux pas lui dire.
    • Bon, je te tiendrai informé de l'évolution du débat. En attendant, je te propose un cours sur les relations entre sexes opposés.
    • Chouette... »

      FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE

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